top of page

Residence LCB, 2015. Projet de résidence de production, LA CHAMBRE BLANCHE, (Qc)
 
Projecteur grand angle, moniteur, mur en panneaux perforés, miroir, chariot automatisé sur rail (moteur, Arduino, Raspberry Pi, caméra PiCam, interrupteurs) 
 
Images: Delphine Hébert-Marcoux

La résidence dans les laboratoires de production de LA CHAMBRE BLANCHE a servi à l'élaboration d'un appareil mobile automatisé (chariot motorisé sur rail) et avec l'ajout d'un module de caméra miniature, associé au mur-écran de panneaux perforés, à permis l'exploration en galerie de son potentiel comme dispositif de capture vidéo

À l’étape d’exploration, Résidence LCB est un projet sur l’intégration des images captées par le dispositif en mouvement à un système de projection dans l’espace d’exposition.

2016-05-06 16.33.5633.JPG

À l’occasion d’une résidence de production à La Chambre Blanche en 2015, j’ai pu avancer la conception du dispositif d’écoute mobile de l’œuvre MIND THE GAP (le chariot sur rail) pour en faire une version automatisée et polyvalente. Dans Résidence LCB, le nouveau chariot adapté regroupe un moteur, un microcontrôleur Arduino, un nano-ordinateur Raspberry Pi ainsi qu’un module de caméra miniature Pi. Une pièce d’engrenage fixée au moteur permet à l’appareil de circuler, selon une programmation aléatoire, sur les sections du rail qui peuvent être aboutées selon la longueur voulue. La programmation, telle qu’elle a été conçue pour ce projet, fait varier de façon aléatoire la direction de rotation du moteur (gauche/droite), sa vitesse de rotation (de l’arrêt à plus ou moins rapide) et le temps d’exécution (entre 5 et 30 secs) de la commande « direction/vitesse ». Ce qui pourrait engendrer, par exemple, un déplacement vers la droite à vitesse lente pendant 20 secondes, suivi de 10 secondes à l’arrêt, puis de 30 secondes vers la gauche à vitesse rapide, et ainsi de suite. Lorsque le chariot atteint la limite du rail à une ou l’autre de ses extrémités, l’interrupteur situé sur le devant ou le derrière de l’appareil est enclenché et le renvoie dans la direction opposée tout en continuant d’exécuter le reste de la commande.

À l’étape d’exploration, Résidence LCB est un projet sur l’intégration des images captées par la caméra de l’appareil en mouvement à un système de projection dans l’espace d’exposition. C’est à ce moment dans ma recherche que j’ai commencé à travailler avec les panneaux perforés (pegboard), par nécessité ou par contrainte, afin de diviser l’espace sans le fermer et pour dissimuler la caméra tout en lui permettant de « voir ». 

Pour ce projet, la cloison temporaire, construite en bois et en panneaux perforés entre les deux colonnes de la galerie, sert à la fois d’écran de projection et de division partielle de l’espace. Le rail est fixé à ce mur pour que l’objectif de la caméra, aligné avec les perforations des panneaux, filme à travers les trous, en direction d’un miroir placé au fond de la salle. L’image captée par la caméra en mouvement montre, de façon plus ou moins saccadée, la réflexion, dans le miroir, de la cloison à travers laquelle elle filme. Elle capte en même temps une partie de son propre hors champ réfléchi par le miroir, qui s’ouvre et se ferme graduellement selon ses déplacements ainsi que ce qui se passe derrière la cloison et que l’on voit, comme une image pixélisée, à travers les trous (ce phénomène dépend par contre de l’intensité relative de l’éclairage d’un côté à l’autre de la cloison). La captation est projetée simultanément sur l’écran perforé, côté caméra, et passe partiellement à travers pour se déposer sur le mur du fond, créant ainsi une sorte de circularité qui transforme par le fait même l’enregistrement vidéo.

(Les panneaux perforés) 

 

Dans la foulée des expérimentations entourant l’élaboration du dispositif de captation et de diffusion vidéo dans Résidence LCB, l’utilisation des panneaux perforés était un choix conséquent, en réponse à certaines contraintes techniques et esthétiques, qui s’est avéré très riche en possibilités. Utilisés tels quels, ils sont toutefois détournés de leur utilité première pour laquelle on les reconnaît. Ils servent dans mon travail de matériaux de structure, mais également d’écran de projection. La notion d’« écran perméable », quasi oxymorique, met en évidence l’effet paradoxal dans l’emploi de ce matériau qui bloque et laisse passer à la fois, un peu comme le principe d’osmose. Il est perméable à la vue, à la lumière, au son. Selon l’éclairage (de face ou de derrière), il devient opaque ou transparent, permettant ou pas de voir ce qu’il y a du côté opposé.

  

Il fonctionne ainsi en lui-même comme un espace double : on peut voir à travers et le voir aussi comme objet (comme surface, comme écran de projection). L’espace réel derrière lui, qui se révèle par les perforations, se produit à la surface telle une image plus ou moins complète. Cet espace tridimensionnel, circonscrit par les trous, se transforme en une image presque aplatie de la réalité, une sorte de trame aux couleurs et aux détails simplifiés. Comme dans le cas du miroir, l’axe et la distance du regard, rattachés au corps dans l’espace, sont agissants, bien que les deux objets fonctionnent différemment. L’un morcelle l’image, l’autre la renverse.

 

Dans sa spécificité matérielle, le panneau perforé remplit dans mon travail une fonction similaire à celle de la vidéo. Son utilisation poursuit ce même objectif, soit de faire coexister plusieurs espaces/temporalités dans une même expérience. L’écran troué, jumelé à la vidéo, me permet de juxtaposer l’image de la projection sur sa surface ainsi que la perception, telle une image morcelée, de la réalité qui se déroule derrière lui. Il rassemble donc à sa surface et dans une même image, le présent — le réel qui se déroule derrière lui — et l’image projetée — qui présente déjà en elle-même une autre temporalité, ou même encore, un télescopage de temporalités. 

 

(La vidéo « en lieu réel » et télescopage temporel)

 

La vidéo dans mon travail est employée comme une manière de faire côtoyer différentes temporalités dans une même expérience. Les essais produits lors d’expérimentations consistent en une accumulation d’images juxtaposées dans une même image finale. C’est-à-dire qu’une première captation a lieu dans laquelle une personne, en l’occurrence moi-même, interagit avec la structure de panneaux perforés (mur, pièce, coin) qui est ensuite projetée sur cette même structure, soit « en lieu réel ». Même si l’on reconnaît l’endroit qui est montré dans la vidéo (puisqu’il s’agit du même endroit dans lequel on se trouve pour la regarder) ce que l’on voit ne se déroule pas en temps réel, mais bien en différé. J’emploie le terme « en lieu réel » pour insister sur cette distinction. Il renvoie à l’expression « en temps réel » qui fait référence à la retransmission en direct d’un événement qui se déroule en même temps, mais en général dans un autre lieu, alors qu’ici « en lieu réel » insiste sur le fait que la captation d’un événement dans un lieu est retransmise dans ce même lieu, mais en différé. Dans la première captation, on voit par exemple la personne déplacer des objets, passer devant ou derrière l’écran, ou encore, construire et déconstruire la structure. Une deuxième captation est ensuite effectuée au moment où la première est projetée. La personne intervient encore dans l’image, mais cette fois-ci en interaction, volontaire ou pas, avec la première vidéoprojection. La structure tient ici à la fois le rôle de « sujet » de l’image et le rôle d’écran de projection. Une fois contenue dans une deuxième séquence vidéo, la présence actuelle de la personne dans l’espace passe au niveau de l’image qui est ensuite projetée dans l’espace. Sa présence devient une représentation d’elle-même au même titre que l’image d’elle qui se trouve également dans la projection. Il y a alors un présent et un passé dans la vidéo qui sont représentés dans une même image continue. Puisque le document final est issu d’une seule et même captation, toutes ces couches de temporalité sont ramenées dans un même « il y a eu » produite par la spécificité de la vidéo. Une simple mise en abîme serait générée par la captation en direct d’une caméra qui filme sa propre projection tel un effet de Larsen (feedback) en audio acoustique. Ici, il s’agit plus précisément d’une sorte de télescopage temporel qui comporte des zones de temporalité plus ou moins distinctes. La présence n’a donc plus cette même immédiateté : la vidéo présente quelque chose qui se présente comme le présent en relation à quelque chose d’antérieur (la projection dans la vidéo). 

bottom of page